Belle pour Sébastien

Publié le par Sarah


Chloé se réveilla en sursaut.
Elle n’avait pas fait de cauchemar et ne se souvenait pas particulièrement de son rêve. Elle avait juste une sensation étrange. Étrange car agréable, bien trop agréable pour être réelle.

Elle reprit ses idées et se leva.
En se lavant les dents, elle ne pu s’empêcher de regarder son reflet dans le miroir comme s’il lui renvoyait la pire atrocité du monde.

Pourtant, elle pensait avoir rêvé à quelque chose de doux.

Chloé eut du mal à comprendre ce sentiment mélangé d’horreur et de douceur mais décida de pas s’en soucier.
Après tout, ce n’était qu’un rêve.

Il était encore tôt, à peine 9h du matin. Le soleil avait enfin fait son apparition et l’heure matinale laissait à la brise la joie d’effleurer le visage de Chloé qui ouvrait grand ses fenêtres pour laisser entrer l’été chez elle.

Elle s’assit dans sa cuisine pour se préparer un petit-déjeuner équilibré, alluma la radio pour que les différents chanteurs lui tiennent compagnie.
Une fois la vaisselle terminée, elle fila sous la douche tout en accompagnant Edith Piaf qui chantait l’hymne à l’amour dans les ondes radio.

Prendre des douches était le moment de la journée favori de Chloé. Elle aimait sentir l’eau couler sur sa peau, elle aimait l’odeur du savon qui émanait de son corps.
Elle s’oubliait souvent, vidant le ballon d’eau chaude en hiver et se faufilant pour seulement quelques instants de fraîcheur trois à cinq fois par jour en été…

Et alors qu’elle s’enivrait des jets d’eau qui la rafraîchissaient, elle eut tout d’un coup un flash back.
Elle avait vu un instant, un homme.
Ce n’était que le temps d’une seconde, mais son visage lui étaitt apparu de façon nette.

Elle avait déjà vu cet homme et son rêve le lui avait ramené.
Elle avait eu envie de cet homme, pendant quelques minutes. Il avait eu envie d’elle également. Mais il n’y avait pas eu de suite.
C’était il y a plusieurs années.
Chloé était alors jeune et vivait ses premiers instants dans cet appartement qu’elle songeait à quitter pour un plus grand, dans un quartier plus calme.

Il s’appelait Sébastien.
Elle savait qu’elle avait toujours gardé son numéro de téléphone quelque part.

Il avait à peu près le même âge qu’elle, des yeux bleus très limpides, un regard timide mais charmeur.
Elle se souvenait de l’arrêt de bus où elle l’avait croisé. Elle se souvenait l’apercevoir entre les passagers du bus, détournant son regard furtivement quand il sentait qu’elle le regardait.
Il avait un visage carré dont dégageait une douceur éclatante et tendre.

Il était sorti du bus à la même station qu’elle.
Elle aurait juré qu’il avait tourné à droite quand elle avait tourné à gauche.
Elle marchait et sentait derrière elle cette présence fantôme. La présence d’un homme qui lui soufflerait doucement à l’oreille, un homme qui lui dirait avec des caresses qu’il ne demande qu’à l’aimer. Une présence douce, une présence qui remplissait son cœur de bien-être.
Une présence fantôme en laquelle elle faisait confiance les yeux fermés.

Chloé respira longuement et discrètement tourna la tête.
Il était là, juste derrière elle.
Il marchait dans ses pas, comme s’il ne voulait pas la laisser partir.

Elle ne pu s’empêcher de sourire.

Elle continua de marcher ainsi, le laissant à ses côtés, se demandant sans cesse s’il allait réellement dans la même direction qu’elle ou s’il cherchait juste à l’attraper et la chérir pour le restant de ses jours.

Elle allait entrer dans un immeuble.
Et avant qu’elle n’eut le temps de passer le pas de la porte, il la héla.

*******

Chloé arrêta de faire couler l’eau.
Elle avait revu cet homme dans son rêve. Elle se souvenait de ce moment magique. Elle l’avait un peu oublié, comme on oublie ce qui nous arrive tous les jours, mais il était bien là, quelque part dans sa mémoire.
Mais pourquoi avoir vu cet homme dans son rêve la troublait autant ?

C’était il y a longtemps, c’est vrai.
Mais elle était célibataire, elle ne trompait personne en rêvant de lui.

En s’enroulant dans une serviette douce et fraîche, Chloé se demandait si cette simple image, juste avoir revu le visage de cet homme, que dire, ce jeune homme car ils avaient à peine 20 ans à ce moment-là, n’était pas un signe pour elle d’aller de l’avant ?

Elle s’assit sur son canapé, les cheveux mouillés, l’eau ruisselant encore sur sa nuque et regarda à nouveau son reflet dans le miroir.
Cette fois, elle voulu l’affronter.

« Ma chère Chloé. Depuis que Vincent t’a quittée, tu ne cesses de dire que tu cherches l’Amour avec un grand A. Que tu veux un compagnon, que tu veux vivre une vie de couple. Pourquoi restes-tu cloîtrée dans cet appartement depuis 5 ans ? Un appartement où il n’y a pas de place pour des enfants ?
Sébastien… Il s’appelait Sébastien, tu t’en souviens de ça. Tu te souviens de tout ce qu’il t’a dit… »

*******

« Excusez-moi… »
Chloé s’attendait, du moins espérait, entendre le son de sa voix.

Elle s’était arrêtée sur les marches du perron et il était là, deux marches plus bas, levant des yeux qui semblaient émerveillés, sur elle.
Elle se souvient même que ce jour-là, elle avait une casquette sur la tête qu’elle n’avait plus jamais remise après. Pourtant, plus tard, lorsqu’elle la voyait dans son placard, elle se disait que c’est ainsi qu’il pourrait la reconnaître.

« Je ne fais jamais ça d’habitude, mais je vous ai vu et vous êtes si belle que je me suis dit : pour une fois, lance toi. »

Chloé se remémorait la scène. Elle ne se souvenait même pas ce qu’elle lui avait répondu. Mais lui, s’était mis à nu devant elle. Il lui avait dit : je suis timide mais subjugué par votre beauté. Laisses moi essayer de te connaître et pourquoi pas, de t’aimer ?

Pourtant, à l’époque, Chloé venait juste de se mettre avec Vincent.
Et elle savait qu’elle allait décliner l’offre de ce cher Sébastien.
Mais il était si différent, il avait un regard si sincère et si vrai qu’elle avait envie de faire durer ce doux moment de drague comme elle en connaissait si peu.

« Je vais chez le médecin là, mais qu’est ce que tu fais là ? »
Il avait jeté un œil sur la plaque du médecin affichée sur le mur, et il avait gauchement cru qu’elle lui proposait d’aller boire un café là, tout de suite, dans l’immédiat.
Au fond, elle aurait bien voulu mais elle se rattrapa quand il lui répondit que là, il devait aller travailler…

Gentiment, il lui proposa de lui donner son numéro de téléphone :
« Si je prends le tien, je ne te laisserai pas le temps de réfléchir ».

Chloé avait été très amusée de cette remarque. Elle a enregistré « Sébastien » dans son téléphone, même si elle savait très bien qu’elle n’irait jamais prendre de café avec lui.
Mais elle se laissait le droit de rêver un peu…

******

Elle eut l’impression de revivre la scène, seule, dans son appartement, en face de son miroir qu’elle aurait souhaité à ce moment être le miroir magique des contes de fée.
Non pas pour lui dire qu’elle était la plus belle du royaume mais bien pour lui dire : « ça fait 5 ans, et alors ? Vincent t’a quittée depuis plusieurs mois. À l’époque, ça faisait 2 semaines que tu étais avec lui. Tu crois vraiment que tu vas le tromper en fouillant dans ton carnet d’adresse pour rappeler Sébastien ? »

Effectivement, l’étrange sensation que Chloé ressentait était due au fait que pour elle, Sébastien, un visage, un nom, une voix qui n’existât que quelques minutes dans sa vie, était tout ce qui représentait la trahison envers Vincent.
Simplement parce qu’elle le lui avait raconté, quelques semaines plus tard, amusée. Et il lui avait répondu : « je suis fière que les autres hommes s’intéressent à toi, mais si j’avais été là, je lui aurai foutu mon poing dans la gueule ».
Ce n’était pas tellement le genre de Vincent d’être jaloux ou violent, mais Chloé s’était toujours gardée de lui dire qu’elle considérait ces moments comme magique.
Et pour elle, c’était trahir Vincent.

« Sauf qu’aujourd’hui, Vincent t’a quittée ma cocotte » se dit à voix haute Chloé.

Elle se leva d’un bond, alla se sécher les cheveux, se maquiller et enfiler sa plus belle robe.

Elle partit un livre à la main, dans le parc le plus proche.
Le soleil avait eu le temps de s’envoler haut dans le ciel et de taper de plus en plus fort.
Elle s’installa alors à l’ombre d’un arbre et se plongea dans son bouquin n’ayant à la tête qu’un seul mot : « Sébastien ».

******

Elle lui avait envoyé un texto.
Elle ne voulait pas faire ça car ainsi, il aurait eu son numéro de téléphone. Alors qu’elle aurait pu l’appeler en numéro privé.
Mais c’était trop dur pour elle de lui dire.
« Merci pour la proposition mais j’ai déjà quelqu’un dans ma vie. Je dois donc décliner »
Il avait répondu, le plus ouvertement du monde : « dommage, garde mon numéro au cas où tu changerais d’avis un jour ».

Et puis elle n’entendit plus jamais parler de lui.
À part une semaine plus tard. Un texto qui disait « fini Londres, je m’installe à Paris, au 15 rue des Morillons, 15è »

Chloé essuyait les gouttes de sueur qui coulait sur son front.
Son livre posé à plat sur l’herbe, elle ferma les yeux et se laissa envahir par l’étrange idée de traverser le parc et de prendre le premier bus qui l’emmènerait aux alentours du XVè arrondissement.

Elle savait où se trouvait la rue des Morillons. Il lui suffisait simplement de se lever et de laisser la chaleur l’y conduire.
La chaleur des bras de Sébastien. Un jeune homme croisé cinq ans auparavant, un jeune homme au visage d’ange.

Et puis si Chloé avait mis une robe aujourd’hui, si elle avait relevé ses cheveux ce n’était pas pour affronter le soleil.
C’était juste pour être Belle.
Belle pour Sébastien.




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Publié dans Souvenirs

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E
Jolie histoire bien racontée ...je vois que tu aimes beaucoup les histoires sentimentales...<br /> Bon lundi à toi.
Répondre
S
Merci Edith! J'écris beaucoup autour des sentiments en ce moment, c'est vrai... J'écris surtout en fonction de mes états d'âme et c'est ainsi que je me sens en ce moment.Mais peut-être bientôt il y aura d'autres types d'histoire...