12 juin

Publié le par Sarah

Nous sommes le 12 juin 2007.

Vous vous souvenez de ce que vous avez fait il y a 6 ans ?

Mon souvenir à moi de cette date est très clair et limpide dans ma mémoire.

Ça commence en fait le 11 juin 2001.
J’avais 17 ans. C’était un lundi. Mon réveil a dû sonner aux alentours de 6h50. J’ai enfilé un pantalon noir, un pull blanc, mes baskets adidas toutes noires dont j’étais très fière à l’époque (je les ai encore !) et j’ai mis mes lunettes de soleil en guise de serre-tête.

Je ne sais plus comment je suis allée au lycée, mais j’y suis allée l’estomac noué, ça c’est sûr.

Ce jour-là, je passais mon bac.
À commencer par la philo bien sûr. Et en tant qu’élève de terminale L, c’était très important pour moi.

Je me souviens avoir attendu au milieu d’une foule de lycéens excités et angoissés. J’étais au moins un peu rassurée d’être dans le même lycée où j’avais passé les trois années précédentes. J’avais au moins ce repère-là.

J’ai une image grise et rose. Le gris du bitum, le rose des couloirs du bâtiment D. C’est au bâtiment D que je passais toutes mes épreuves.
Je suis montée et j’ai pris place à la table qui m’était destinée.

Il y avait des caméramans, filmant sûrement comme chaque année, ces quelques milliers de bacheliers à la première heure de l’examen qui est censé changer une vie.
On m’a dit quelques jours plus tard que j’étais passée à LCI. La personne m’avait reconnu car j’avais mes lunettes de soleil sur la tête en guise de serre-tête.

Et puis le sujet est tombé.
« La question qui suis-je amène-t-elle une réponse exacte ? »
J’ai trouvé le sujet très intéressant.
J’aimais beaucoup mes cours de philo, et j’étais bien la seule des 33 élèves de ma classe. J’étais inspirée, j’ai mentionné Descartes avec son « je pense donc je suis ». J’ai rédigé le classique thèse, antithèse, synthèse.
J’ai su un mois plus tard que ça m’avait valu un 14/20.

Et puis, avant que les quatre heures réglementaires ne se soient écoulées, je suis sortie, rassurée.
Le plus dur était passé. Même si j’avais encore des épreuves toute la semaine et un oral d’italien quelques jours plus tard.
Et contrairement à mes camarades qui passaient un bac S, j’avais l’après-midi de libre.

J’ai attendu mes amis, nous avons discuté du sujet et de nos réponses. Le sujet n’était pas le même selon la filière, certains ont pris le commentaire de texte car ils étaient persuadés que c’était plus facile (ce que mon professeur d’histoire démentait tous les jours !)
Je suis resté au lycée pour manger à la cantine avec eux.

Et puis j’ai pris le bus pour rentrer chez moi.
Il faisait beau, j’ai marché pendant 10 minutes jusqu’à l’arrêt de bus.
Je suis montée dans le bus, seule, pensant aux épreuves suivantes.
Quelques minutes avant que le bus n’arrive à l’arrêt où je descendais, je me suis dirigé vers la porte de sortie.
Le bus s’est arrêté pour laisser passer une voiture qui venait de la droite.
J’étais derrière les portes de sortie, seule, la tête baissée, juste en face de la librairie de quartier.

J’ai levé la tête doucement et j’ai croisé le regard d’un jeune homme que je n’avais encore jamais vu.
Il m’a fait un sourire de prince.
Je le lui ai rendu.
Le bus a continué son chemin, je suis descendu, pensant jusqu’à ce que je me replonge dans les révisions bachelières à ce sourire volé.

Le lendemain, 12 juin 2001, c’était l’anniversaire de V.
Il passait son bac lui aussi. Un bac technologique. Il s’intéressait aussi beaucoup à la philosophie et je l’aimais en particulier pour ça.

Cela faisait trois mois que je préparais son cadeau d’anniversaire.
Il fêtait ses 19 ans et même si ça ne veut rien dire, je l’aimais tellement que je voulais lui offrir quelque chose d’exceptionnel.

J’avais déjà fait agrandir une photo de notre voyage au carnaval de Venise, sur le son de la bande originale du fabuleux destin d’Amélie Poulain que nous avions vu ensemble quelques mois plus tôt.

Mais pour moi, ce n’était qu’un prologue.
Depuis trois mois j’écrivais des textes sur moi, sur ce que j’aimais, sur ce que je vivais, parlant indifféremment à la première ou à la troisième personne du singulier. Et je coupais ces textes par des lettres d’amour directement adressées à V.
Il m’avait dit que pour son anniversaire, il voulait « mille fois moi ».

Lui offrir mes mots était la seule manière.

Le 12 juin, je n’avais pas d’épreuves le matin.
Je passais l’épreuve de lettres et l’épreuve de mathématiques l’après-midi. Épreuves courtes qui ne me faisaient pas vraiment peur.
Sûrement parce que ce jour-là, ce n’était plus le bac, c’était l’anniversaire de V.

Nous nous sommes retrouvés vers midi, dans les jardins attenants au lycée.
Nous avons partagé un sandwich et un doux moment fleurit au soleil.

Il m’a accompagné jusqu’en haut des 144 marches d’escaliers qui mènent au lycée, il m’a souhaité bon courage en me serrant fort dans ses bras.
Je lui tendis un baiser et un carnet choisi avec soin, dans lequel se trouvaient tous les textes de ma plume, écrit spécialement pour lui, par lui, grâce à lui.

Je passais l’après-midi à résoudre l’équation de Tristan et Iseut et à savoir quelle était la probabilité qu’une histoire d’amour de jeunes gens de 18 ans dure pour la vie.

Je rentrais donc chez moi assez satisfaite.
En prenant le bus, je vis à nouveau au loin en passant devant la librairie ce jeune libraire au sourire timide. Lui ne me vit pas.

Le soir même, une fois chez moi et reposée des épreuves de la journée, je pris mon téléphone et appela V.

Il répondit et me dit :
« Waow, Ma Sarah… C’est magnifique ton cadeau, personne ne m’a jamais fait un cadeau comme ça. »
Il en avait le souffle coupé.
Il avait trouvé mes textes magnifiques.
Il avait surtout trouvé l’idée excellente.

C’était la première fois que je sortais ma plume des quatre murs de ma chambre.

C’était mon 12 juin 2001.
Un anniversaire, une découverte, deux épreuves de bac. Le sourire d’un autre homme.
L’année suivante, je n’étais plus avec V. Et j’ai passé les quatre années suivantes à me rappeler de ce qu’il s’était passé le 12 juin de l’année précédente.

Aujourd’hui, j’ai tout oublié à part quelques souvenirs assez flous.

Mais je ne pourrai jamais oublier que le 12 juin, c’est l’anniversaire de V.

Publié dans Souvenirs

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J
Bénie soit alors ce 12 juin 2001! J'aimerais bien un cadeau comme ça moi aussi...^^
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P
Quelle joie que de te voir enfin aller dans l'écriture !<br /> Je m'arroge la primeur d'être ton premier commentaire.<br /> Longue vie à tes mots et à ce blog !<br /> Amitiés de Pépita :)
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S
Merci pour ces encouragements Pépita. Cependant, je suis désolée de te décevoir mais c'est Sérénité qui a l'honneur de m'avoir laissé mon premier commentaire :-)